Une activité bridge au collège

Le bridge offre de nombreuses possibilités d'activités en classe. Cela va de calculs simples à des raisonnements très élaborés.

Pour ma part, j'ai choisi de proposer depuis 5 ans le bridge en classe de 6^e , pour diverses raisons qui vont être détaillées ici.

Les différents attraits du bridge qui vont être indiqués ici le sont sans ordre particulier, même s'il est vrai que certaines entrées ne peuvent pas avoir lieu lors des toutes premières séances !

Le bridge est un jeu qui se joue à 4 joueurs avec 52 cartes :
2 ; 3 ; 4 ; 5 ; 6 ; 7 ; 8 ; 9 ; 10 ; Valet ; Dame ; Roi ; As.

Ces cartes sont présentes dans les 4 couleurs : Pique (P ou ♠), Cœur (C ou ♥), Carreau (K ou ♦) et Trèfle (T ou ♣).

Le jeu se déroule en deux temps bien distincts :

1/ Les enchères : chaque joueur décrit son jeu (de façon codifiée) en indiquant par exemple son nombre de points. Les cartes valant des points sont les Honneurs (on parle alors de Points H).

Les honneurs sont : As (4 points) ; Roi (3 points) ; Dame (2 points) et Valet (1 point). Toutes les autres cartes valent 0 point.

2/ Le jeu de la carte : lorsque les enchères ont permis d'arriver à un contrat, le jeu de la carte commence. Le contrat consiste à indiquer le nombre de levées que l'on pense réaliser : si ce nombre de levées est atteint ou dépassé, le contrat est rempli. Dans cas contraire, le contrat est chuté.

Enfin, la partie se joue théoriquement autour d'une table carrée, les quatre joueurs sont repérés par les points cardinaux :
Nord (N), Sud (S), Est (E) et Ouest (O).

N et S sont dans la même équipe.

E et O sont dans la même équipe.

Ce sont donc deux équipes qui s'affrontent !

Dans un premier temps, je commence par les enchères de façon simplifiée : déclarer son nombre de points. Cela nécessite de travailler différentes notions mathématiques, et en particulier le calcul. Les calculs abordés sont très adaptés à la classe de 6^e.

Les calculs demandés sont simples et accessibles à tous. Pour autant, ils doivent être réalisés avec un minimum de rapidité pour que cela ne soit pas dérangeant dans le déroulement d'une partie.

On peut manipuler ici 3 opérations. Par exemple :

• l'addition : pour Nord par exemple, 4 + 3 + 4 + 2 + 3 = 16
• la soustraction : à Pique, Sud possède 13 - (3 + 4 + 4) = 2
  soit 2 cartes.
• la multiplication : on peut compter les points de Nord différemment 4×2 + 3×2 + 2 = 16

Un intérêt principal du jeu est qu'il va falloir arriver à des automatismes.

Ces calculs permettent de faire travailler tous les élèves en raison de leur simplicité : les nombres utilisés ne dépassent pas 40 (nombre total de points d'un jeu). On travaille principalement avec les nombres 1 ; 2 ; 3 ; 4 ; 13 et 40.

Après plusieurs séances, le comptage des points à Sans-Atout (SA) permet des calculs avec des nombres plus grands (jusqu'à 1000). Mais cela met en jeu d'autres éléments qui sont donc présentés après plusieurs séances.

Cela nécessite de se familiariser avec un ordre qui n'est pas évident au début en 6e :

A>R>D>V>10>9>8>7>6>5>4>3>2

À noter que l'As est aussi le 1...

Il y a aussi le classement des couleurs afin de mieux visualiser la main : alternance de rouge et de noir dans l'idéal.

Et puis le rangement des levées sur la table (cf photo) : une levée gagnée, la carte est positionnée 'debout', une levée perdue, la carte est positionnée 'couchée'.

Sur la photo, on observe 2 levées perdues et 3 levées gagnées... et si on compte les cartes, ce qui est assez continuel au bridge, on remarque que la main cache une levée.

Des prémices d'algorithmique peuvent être abordées :

• si j'ai au moins 12 points alors j'ouvre.
  Ce qui peut se traduire par :
  si nombre de points ≥ 12 alors j'ouvre.
  Ce symbole ≥ n'est pas si facile à introduire dès la classe de 6^e
  
  Cela peut aussi se traduire par
  si nombre de points > 11 alors j'ouvre.
  
  
• un programme réalisé avec Scratch permet de simuler des mains et donc de faire un travail de type Questions Flash en début de séance :

Les élèves peuvent être amenés à programmer cet élément :

Les deux premiers blocs sont mis, il reste le test conditionnel à écrire.

Un élément essentiel du bridge est le calme : assister à un tournoi ou le visionner en ligne permet de mieux percevoir le côté feutré du jeu.

On le perçoit bien dans cette vidéo de la Fédération Française de Bridge réalisée lors des mondiaux à Lyon en 2017.

Ce travail sur la concentration, le calme, qui facilitera la mémorisation des cartes jouées, des points H déjà tombés, etc... est essentiel.

On peut ensuite prendre appui dessus pour d'autres activités.

Cela reste en revanche une demande de chaque instant au début mais peu à peu on observe une meilleure concentration. Il est vrai que cette façon de jouer est très différente du jeu entre amis ou en famille.

Peut-on dire que savoir ce qu'est un jeu de 32 cartes ou un jeu de 52 cartes est culturel ?

Toujours est-il que chaque année j'observe des élèves qui découvrent ce type de cartes (de 7 à As ou de 2 à As). Les jeux de cartes connus sont en général les 7 familles et UNO.

D'un point de vue strictement mathématique, connaitre l'existence de ce jeu et des cartes associées pourra avoir un intérêt pour ceux et celles qui poursuivront des études jusqu'à des calculs de probabilités ... De nombreuses exercices avec des cartes existent !

Par ailleurs, le jeu de cartes a été l'occasion de découvertes de peintures où l'on voit des cartes, des joueurs de cartes, ... et aussi de textes (roman, poésie).

Quelques pistes sont ici (en bas de page)

La nécessité de maitriser un vocabulaire spécifique est très intéressant. Une main est un ensemble de cartes, une levée est un pli lors du jeu de la carte, les Honneurs sont les cartes valant des points, ...

Toute cette approche anticipe et prépare le travail sur la polysémie qui se poursuivra ensuite en cycle 4, en particulier en français.

Présenter les solutions possibles à l'aide d'un arbre :

Parmi les questions que l'on est amené à se poser : comment peut-on obtenir par exemple 7 points ?

A+R, A+D+V, ...

Comment être sûr de ne rien oublier ?

Cela peut être la première rencontre des élèves avec une présentation de ce type :

Un raisonnement proche du raisonnement par l'absurde :

On sait que tel joueur possède encore 5 points en main. Quelles cartes (honneurs) a-t-il ?

On suppose qu'il a un As et on observe si cela est possible.

Par exemple, si on a déjà vu passer les 4 valets, on sait que ce n'est pas possible : il y a contradiction...

Travail sur les éléments de symétrie d'une carte à jouer :

Cela peut aller de la reconnaissance d'éléments de symétrie sur des cartes fournies à la réalisation par les élèves de leur jeu de cartes.

Le travail en équipe :

Ce n'est pas mis en œuvre à chaque séance : il y a quelques séances de mise en route avant de toucher aux cartes. Lorsque les élèves manipulent les cartes, cela se fait sur une partie de l'heure. Pour autant, c'est un aspect très important.

Conceptualiser, abstraire :

Dès les premiers comptages de points, on associe A à 4, R à 3, D à 2 et V à 1. Il y a là une première étape vers la notion de variable en informatique et le calcul littéral en mathématiques. On peut en tout cas faire en sorte que cela devienne une étape ;)

Les coordonnées géographiques :

Le fonctionnement naturel du bridge avec les équipes N/S et E/O est l'occasion de rappels sur ce sujet !

Cette activité est un fil rouge précieux, qui me semble désormais attendu par les familles.

Elle permet de mettre tous les élèves en situation de réussite tout en travaillant des notions mathématiques souvent simples, mais parfois plus élaborées, plus subtiles.

Il y aurait surement bien d'autres choses à dire !

On peut voir alors des élèves se saisir de cette activité pour réaliser une première page dédiée sur le cahier de mathématiques !